La synergie en médecine
Je suis installée en face de mon ordinateur, une tasse de thé vert à la main et je pense à du popcorn. Je pense plus particulièrement à du popcorn avec du beurre et du sel. Vous savez comme la saveur du popcorn au beurre salé est rehaussée et supérieure à ce que chacun de ces trois ingrédients peut offrir individuellement. C’est ce qu’on appelle de la synergie ! Le Cambridge Dictionary définit la synergie comme « le pouvoir combiné d’un ensemble d’éléments qui aboutissent par leur action conjointe à un résultat supérieur à leurs actions individuelles » [1].
La médecine complémentaire offre les avantages de la synergie. De nombreuses formules de phytothérapie combinent des plantes qui agissent sur différents systèmes du corps ; l’objectif étant, face à un problème de santé, de procurer un bienfait plus complet comparé à ce qu’une plante utilisée seule pourrait produire. Des formules multisouches de probiotiques, plutôt qu’un produit avec une seule souche de bactéries, peuvent également générer des effets plus puissants sur la santé. La médecine conventionnelle utilise également le concept de synergie dans ses formules pharmaceutiques, par exemple en associant plusieurs antibiotiques pour traiter une infection. De nouvelles recherches dans le domaine médical démontrent aussi les effets synergiques de la combinaison entre médecine naturelle et médecine conventionnelle pour optimiser la guérison. Autant de raisons de nous intéresser attentivement à ce concept et à son potentiel prometteur. Tout au long de ma carrière, mais aussi bien à titre personnel, j’ai eu l’occasion de constater comment notre médecine traditionnelle, dite aussi douce, pouvait s’associer à la médecine conventionnelle et la rendre encore plus efficace ! Ce concept de synergie mérite attention, car il augure des effets significatifs sur la santé.
Les exemples de synergie les plus remarquables que j’ai pu observer dans le cadre de ma pratique en tant que naturopathe étaient sur des patients atteints de cancers. Les traitements recommandés par les docteurs en médecine générale fonctionnaient généralement bien, mais ils pouvaient être très agressifs pour le corps. Il fallait trouver un équilibre délicat avec des doses de médicaments suffisantes pour arrêter la prolifération de cellules cancéreuses, sans causer de préjudices irréversibles sur les cellules saines. Si le patient pouvait garder assez de forces et se sentir relativement bien pendant la chimiothérapie, il était alors moins à risque de devoir interrompre momentanément le traitement, et plus susceptible d’aller jusqu’au bout. Une des premières mesures que j’ai prises avec un patient cancéreux commençant une chimiothérapie a été de me renseigner sur les types de médicaments utilisés et les effets secondaires spécifiques auxquels mon patient aurait pu être confronté. Il fallait également que je sache à quels organes le traitement pouvait porter atteinte. J’ai ensuite conseillé des plantes, des probiotiques et d’autres nutraceutiques à prendre en complément du traitement médical, afin de réduire ou d’éviter les effets secondaires. J’ai toujours encouragé mes patients à parler avec leur médecin avant de commencer ces traitements complémentaires. Certains remèdes naturels, lorsqu’ils sont spécifiquement sélectionnés, peuvent améliorer les effets de la chimiothérapie ! La synergie fait son œuvre !
Les probiotiques sont très utilisés et étudiés dans le cadre des traitements conventionnels pour le cancer [2]. Grâce au Human Microbiome Consortium Project, un travail collectif pour entre autres cartographier les gènes des bactéries de la microflore humaine [3], nous en savons beaucoup plus sur les emplacements et le fonctionnement de ces bactéries. Quand nous envisageons d’utiliser des probiotiques, l’objectif est de fournir au corps des bactéries bénéfiques par le biais de l’alimentation ou de suppléments. Beaucoup de lecteurs auront déjà entendu parler de l’utilisation de probiotiques avec ou après un traitement antibiotique, car cela peut aider à réapprovisionner le corps en ces bonnes bactéries intestinales qui ont été détruites [4].
Ce réapprovisionnement est essentiel parce que les bactéries du microbiote intestinal sont cruciales au bon fonctionnement de notre système immunitaire ; et il s’avère que les probiotiques peuvent jouer un rôle synergique de deux manières différentes dans le cas du cancer. En premier lieu, ils peuvent prévenir ou réduire les effets secondaires de la chimiothérapie. Et en second lieu, ils peuvent renforcer le système immunitaire afin d’aider le corps à empêcher l’apparition d’un cancer, voire à l’éradiquer. Dans une étude sur l’utilisation de probiotiques dans le cadre d’un traitement contre le cancer, les auteurs ont noté qu’il pourrait y avoir un lien entre des quantités insuffisantes de bactéries bénéfiques dans les intestins et de nombreux types de cancer [5]. L’affaiblissement immunitaire associé à la dysbiose intestinale (un déséquilibre bactérien favorisant des bactéries nocives plutôt que des bactéries bénéfiques) peut également interférer avec la capacité du corps à guérir d’un cancer [6]. L’utilisation de probiotiques tout au long du traitement contre le cancer peut donc aider à maintenir l’intégrité du système immunitaire. Ils peuvent également réduire certains effets de la chimiothérapie comme la diarrhée ou la stomatite (inflammation de la muqueuse de la bouche causant des lésions) [7]. Dans tous les cas de cancer, il est recommandé de consulter d’abord son médecin avant de commencer des thérapies complémentaires, comme l’usage de probiotiques.
Ces effets synergiques des probiotiques ne concernent pas seulement les traitements contre le cancer. Nous savons que des colonies de bonnes bactéries vivent également ailleurs que dans les intestins, même dans des endroits du corps humain précédemment considérés comme étant stériles : dans les poumons, par exemple [8]. Dans le cadre du Human Microbiome Consortium Project, le corps humain a été étudié de fond en comble afin de cartographier tous les composants bactériens de la génétique humaine. Cela a permis de constater que notre santé dépend du bon équilibre bactérien de nos intestins, qui influence les populations bactériennes des autres parties du corps [9]. Par exemple, un microbiote intestinal équilibré joue en faveur de la santé de la population microbienne des poumons [10]. La flore pulmonaire d’une personne en bonne santé est différente de celle que l’on peut trouver chez une personne souffrant d’asthme, de rhinites allergiques ou de maladie pulmonaire obstructive chronique [11][12]. Des recherches prometteuses sont en cours et montrent qu’une supplémentation à long terme en probiotiques peut réduire le risque qu’ont les bébés et les jeunes enfants de développer des allergies [13]. Nous pouvons donc présumer que les probiotiques pourraient fournir une solution sans danger pour réduire l’utilisation d’antihistaminiques et de stéroïdes en cas de rhinites allergiques. On peut également citer un autre exemple de synergie avec des probiotiques, dans le cadre de l’éradication d’une bactérie tenace appelée Helicobacter pylori. H. pylori est la cause principale des ulcères et il très difficile de l’éradiquer [14]. Cette bactérie développe une résistance aux antibiotiques presque aussitôt que l’on commence un traitement [15]. Toutefois l’association de probiotiques du genre Lactobacillus à un traitement antibiotique permet d’augmenter son efficacité.
Les médecines naturelles, avec ici en exemple l’usage des probiotiques en complément des traitements conventionnels, peuvent réduire les effets secondaires des médicaments et vous aider à guérir plus rapidement de nombreuses maladies.
Le beurre et le sel magnifient le goût de vos popcorns, c’est un fait !
Wendy Presant, RHNC, CFMP
Avec une formation en soins infirmiers, en naturopathie et en médecine fonctionnelle, Wendy Presant est actuellement comme conseillère en santé et en nutrition. Elle offre aussi des services de coaching virtuel aux personnes cherchant à optimiser leur santé.
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Références
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Cambridge Advanced Learner’s Dictionary & Thesaurus, 4e Édition. Cambridge, Cambridge University Press, 2013, s.v. « Synergy », https://dictionary.cambridge.org/dictionary/english/synergy · Consulté le 2021-08-11.
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HMP Consortium. NIH Human Microbiome Project. · https://www.hmpdacc.org/ · Consulté le 2021-08-11.
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Vrabie, R., et F.N. Aberra. « Prescribing an antibiotic? Do not forget the probiotic. » Gastroenterology, Vol. 137, N° 5 (2009): 1846–1847.
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Jakubczyk, D., et S. Górska. « Impact of probiotic bacteria on respiratory allergy disorders. » Frontiers in Microbiology, Vol. 12 (2021): 688137.
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Carney, S.M., et autres. « Methods in lung microbiome research. » American Journal of Respiratory Cell and Molecular Biology, Vol. 62, N° 3 (2020): 283–299.
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Jakubczyk et Górska. « Impact of probiotic bacteria on respiratory allergy disorders. »
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Testerman, T.L., et J. Morris. « Beyond the stomach: An updated view of Helicobacter pylori pathogenesis, diagnosis, and treatment. » World Journal of Gastroenterology, Vol. 20, N° 36 (2014): 12781–12808.
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Konorev, M.R., T.M. Andronova, et M.E. Matveenko. « [Utilisation de probiotiques et d’immunomodulateurs à base de probiotiques comme traitement adjuvant pour l’éradication d’Helicobacter pylori] » (article en russe). Terapevticheskii Arkhiv, Vol. 88, N° 12 (2016): 140–148.