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Le gang des fermentés : Des Avengers dans vos assiettes

  
Voilà près de deux ans que je gardais dans mon frigo, tel un alchimiste en herbe, un petit bocal bien hermétique d’umeboshi. Non, ce ne sont pas une sorte de samouraïs miniatures en chocolats, mais bien une espèce de pruneaux fermentés, au demeurant grands classiques de la table japonaise. Depuis tout ce temps, donc, je guettais la moindre trace de développement d’une répugnante moisissure verdâtre, de filaments biscornus et visqueux, ou d’autres activités microbiennes fascinantes qui auraient pu nourrir ma curiosité sur les phénomènes naturels. Que nenni, nada, « rien pantoute » comme diraient mes cousins du Québec !

Il me fallait donc tenter l’ultime expérience qui aurait fait pâlir même un superhéros de Marvel : les gouter ! Après quelques longues hésitations du bout de la langue, l’angoisse de l’intoxication s’évanouit dès les premières papilles stimulées, et ces petits pruneaux rabougris ont en fait honoré leur ancestrale réputation de perles naturelles de santé. Avec eux, mes onigiri (boulettes de riz enveloppées d’une feuille d’algue de nori) furent un véritable délice, et je n’ai pas non plus fini aux urgences ! Chacun ses gouts, me direz-vous, soit… mais alors, si je vous dis fromage, choucroute, pain, kimchi, miso, vin, vinaigre, kéfir, yogourt, lassi, nuoc-mam, bière, thé, condiments, kombucha, etc., eh ! bien, pour sûr, chacun s’y reconnaitra.


Fermentez pour décupler les pouvoirs !

Vous l’aurez deviné, l’objet de cet éloge n’est autre que la fermentation, qui, contrairement aux douteux vengeurs masqués de nos écrans milléniaux, a contribué à la survie de toutes les cultures de l’humanité depuis des millénaires. Aujourd’hui, la fermentation traditionnelle et industrielle génère près de 5 000 produits distincts, issus par exemple du chou, du soja, du maïs, du poisson, de l’ail, des haricots, etc., et qui peuvent représenter jusqu’à 40 % de l’alimentation selon les régions du monde.

La fermentation regroupe trois grands types — alcoolique, lactique, et acétique (vinaigre) — et ce sont des microorganismes (levures, bactéries) qui en opèrent les transformations biochimiques anaérobies, en dégradant la matière organique, en libérant de l’énergie, et en rendant l’environnement physicochimique impropre au développement de bactéries pathogènes. Au final, les aliments fermentés non seulement se conservent sur de longues périodes, mais acquièrent aussi des propriétés organoleptiques et nutritionnelles originales et décuplées. Ce qui en fait des superaliments, ce sont tous les nutriments et antioxydants créés, multipliés, et devenus hautement biodisponibles. Leur nouvelle richesse nutritionnelle et les bienfaits physiologiques associés en font aussi des aliments dits « fonctionnels ».
 

        

Prenons en exemple les inégalables concentrations de vitamine K2 que procure le nattō (grains de soja fermentés), un incontournable dans la liste des solutions naturelles contre l’ostéoporose ; entre le jus de raisin et le vin rouge, le trans-resvératrol (un polyphénol antioxydant) est multiplié par 10 ; la vitamine C et les isoflavones, respectivement du chou et du soja, triplent au cours de leur fermentation ; etc.

Les aliments fermentés voient leur profil nutritionnel rééquilibré avec une teneur en sucre réduite, et celle en protéines et acides gras polyinsaturés renforcée. Leur digestibilité est augmentée par l’effet probiotique, qui aussi améliore la flore intestinale, fournit des vitamines, et soutient le système immunitaire. Par ailleurs, la fermentation tend à acidifier les aliments, ce qui rend leurs minéraux plus facilement assimilables. Enfin, la fermentation élimine les organismes pathogènes grâce aux bactériocines ou encore à l’acide lactique ; elle inhibe des substances antinutritionnelles comme le lactose, ou potentiellement néfastes tels des toxines fongiques, les cyanures du manioc, ou encore l’acide phytique des légumineuses ou des céréales qui limite l’assimilation du calcium, du magnésium, et du zinc.

Depuis quelques années déjà, l’industrie des produits de santé naturels propose des « superaliments » fermentés, autrement dit prédigérés et boostés, qui offrent de précieux avantages pour la santé. On trouve aujourd’hui des poudres, notamment de curcuma ou de gingembre fermentés, qui peuvent agrémenter boissons, smoothies, sauces, ou diverses préparations culinaires. Vous pouvez faire vous-même une boisson de gingembre fermenté à la maison, car les diverses recettes sont très simples à réaliser (voir celle en fin de magazine). Elles peuvent même faire l’objet d’une expérience pédagogique avec les enfants !


Gingembre et curcuma : Les Super-Épices

Rappelons brièvement ce que gingembre et curcuma, stars universelles des armoires à épices et remèdes naturels, ont de si précieux. En préambule, la tradition birmane dit que l’Univers serait sorti du curcuma — rien de moins ! —, mais d’un point de vue plus rationnel, les rhizomes de ces cousins de la famille botanique des zingibéracées ont des propriétés similaires :

  • puissamment antioxydantes et antiinflammatoires ;
  • hypolipidémiantes (abaissent cholestérol ou triglycérides) ;
  • antiangiogéniques et anticancéreuses ;
  • hépatoprotectrice ;
  • antimicrobiennes ; ainsi que
  • neuro et cardioprotectrices.
     

       

Plus spécifiquement, le gingembre (Zinziber officinale) agit aussi comme tonique général (notamment sexuel et cérébral, et légèrement tonicardiaque), adaptogène, fluidifiant sanguin, détoxifiant, antinauséeux, pour le mal des transports, et digestif. Le gingembre aide également à calmer la nausée du matin lors de la grossesse, se prépare en tisane réchauffante et calmante des gorges irritées, ou encore lutte contre la migraine.

          

Quant au curcuma (Curcuma longa), il apportera aussi des propriétés cholagogues (favorise la circulation biliaire), antiulcéreuses à faible dose, anti-Alzheimer (détruit les plaques amyloïdes et bloque leur accumulation), et antiathérogènes (limite les risques vasculaires). Notons que le curcuma présente une biodisponibilité intestinale médiocre, qui peut être grandement améliorée par l’ajout de corps gras et surtout de poivre noir (Piper nigrum), grâce à sa pipérine dont la posologie thérapeutique est de 5 mg pour 500 mg de curcuma standardisé à 95 % de curcuminoïdes.

Déjà que ces plantes sont de puissants remèdes, alors en plus fermentés, vous comprendrez qu’ils n’en deviennent que plus puissants et efficaces. Illustrons avec quelques notes sur des recherches montrant l’intérêt pour la santé de la fermentation de ces deux rhizomes…

Une étude menée en 2010 montre combien la fermentation du gingembre (formant entre autres le 6-⁠gingerdiol) non seulement décuple ses propriétés antiinflammatoires, mais aussi rend celles de la levure de riz rouge mélangée au gingembre lors de l’expérimentation, beaucoup plus efficaces contre le cholestérol.

Quant au curcuma fermenté, une étude menée en 2015 à son sujet a montré son impact considérable sur la réduction des risques de lésions cellulaires hépatiques surtout, mais aussi cardiaques, musculaires, ou rénales. Par ailleurs, des recherches ont montré que les antioxydants du curcuma fermenté minimisent la formation de gras, améliorant ainsi la composition corporelle, et particulièrement l’obésité.

D’autres études récentes mettent en avant la puissance renforcée des propriétés du gingembre et du curcuma fermentés : par exemple, se développent avec le curcuma plusieurs formes de curcuminoïdes, dont la tétrahydrocurcumine de pigmentation plus blanche et bien plus biodisponible que les autres curcuminoïdes. À noter aussi l’augmentation en phénols (allant jusqu’à des rapports de 1:40 !), en acides organiques, et en autres substances synergiques comme le montre le tableau suivant.

       

 

Curcuma et gingembre ont depuis longtemps acquis leur réputation médicinale. Quant à la fermentation, ses usages universels et immémoriaux non seulement inspirent confiance, mais trouvent aussi leur légitimité dans les observations de la science contemporaine, qui valide le potentiel extraordinaire qu’apporte la fermentation pour la santé. Alors, mixez le tout, et vous obtiendrez deux champions fermentés au panthéon des superaliments, toujours prêts à faire de vos tasses et assiettes une véritable aventure santé et gustative.

Enfin, tout bon vivant Gaulois que je suis, je vous invite aussi à gouter chaque jour — dans la mesure du possible et du raisonnable — à tout ce qui a fermenté comme une baguette au levain, de la choucroute, du fromage cru, ou un verre de vin rouge !


Références

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  • Branger. A. « Fabrication de produits alimentaires par fermentation : L’ingénierie. » Techniques de l’ingénieur, F3501 (2004): 1–15.
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  • Khajuria, A., et autres. « Piperine modulates permeability characteristics of intestine by inducing alterations in membrane dynamics: influence on brush border membrane fluidity, ultrastructure and enzyme kinetics. » Phytomedicine, Vol. 9, N° 3 (2002): 224–231.
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  • Léveillé, P. « Les aliments fermentés, mine d’innovations et trésors pour la santé. » INRA : Science & Impact. · http://www.inra.fr/Grand-public/Alimentation-et-sante/Tous-les-magazines/Aliments-fermentes-mine-d-innovations-tresors-pour-la-sante · Mis à jour le 2015-⁠08-⁠12.

 

Guillaume Landry, MSc, Naturopathe

Sa plume a pour dessein la sensibilisation aux merveilles
de dame nature, et à la médecine naturelle.