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Sommeil et système immunitaire : Perspectives naturopathiques

Dormir d’un sommeil de plomb, comme un loir, ou encore être un papillon de nuit — voici quelques expressions que l’on utilise pour décrire le sommeil, mais en réalité, cela ressemble plus à une prestation d’orchestre parfaitement synchronisée. Les différentes régions du cerveau travaillent de concert ; alors que certaines s’éveillent, d’autres se mettent en veille, sous l’influence de facteurs comme la luminosité et par le biais de messagers chimiques appelés neurotransmetteurs. Toutefois, des études récentes semblent indiquer que le processus du sommeil ne se limite pas au cerveau, mais que le corps entier peut contribuer, notamment par le biais du système immunitaire.

Le fait que le manque de sommeil soit associé à un risque accru de forte pression artérielle, d’obésité, de diabète, de dépression, et de mort prématurée est un premier indice que le sommeil est un processus nécessitant l’intervention du corps entier [1]. Selon certaines recherches, le système immunitaire est étroitement lié au sommeil, car le manque de sommeil nous rend vulnérable à la maladie et qu’inversement, le fait d’être malade nous incite à dormir. Les pathogènes invasifs — comme les virus, les bactéries, ou les espèces fongiques — transportent des marqueurs qui activent le système immunitaire et déclenchent une myriade de messagers chimiques qui vont renforcer le besoin de dormir, augmenter la fatigue, et faire diminuer la qualité du sommeil. Ceci est valable pour les infections graves et chroniques.

D’autres problèmes de santé interagissent avec le sommeil par le biais du système immunitaire. On croit par exemple que la narcolepsie serait une maladie auto-immune, car elle est fortement corrélée avec une variante génétique impliquée dans de nombreuses maladies auto-immunes. L’apnée du sommeil a également été associée à l’activation du système immunitaire, mais également à une augmentation des niveaux de cytokines.

Sommeil

On estime que 25 % des Canadiens ne sont pas satisfaits de leur sommeil. Généralement, ce problème est traité avec des prescriptions médicamenteuses qui agissent sur des symptômes isolés, mais peuvent aussi causer des effets indésirables et amplifier les problèmes d’insomnie. Des études récentes commencent à pointer le fait que des déséquilibres dans le système immunitaire pourraient engendrer des troubles du sommeil. D’autre part, les troubles du sommeil pourraient également être à l’origine du déclenchement de ces déséquilibres. Même des perturbations dans des cycles de sommeil fonctionnels peuvent activer le système immunitaire. Un sommeil régulièrement réduit ou interrompu — ce qu’on appelle un sommeil fragmenté — peut induire des changements dans les systèmes cardiovasculaires et métaboliques, mais aussi altérer l’équilibre microbien des intestins. Ces changements produisent du stress oxydatif, un trouble caractérisé par un excès de particules réactives chargées qui attaquent les membranes cellulaires, les protéines, et l’ADN. Ce stress oxydatif, à son tour, va activer le système immunitaire [2]. Bien que des problèmes de santé chroniques, comme le diabète ou des infections, puissent altérer le sommeil par le biais du système immunitaire, les déclencheurs immunitaires associés au stress oxydatif, la production de cytokines, et les marqueurs d’activation immunitaire peuvent aussi être produits en réponse à des expositions quotidiennes comme l’alimentation, le stress psychologique, et les toxines environnementales [3].

Du système immunitaire au cerveau

Le cerveau se protège du chaos qui se produit dans le reste du corps en organisant consciencieusement les cellules. Ce mode de défense est celui de la barrière hémato-encéphalique. Les messagers chimiques produits par un système immunitaire activé ainsi que le stress oxydatif peuvent compromettre l’intégrité de cette barrière et laisser des cellules qui n’ont normalement pas accès au cerveau, comme les cellules immunitaires, franchir cette barrière. Dans le cerveau, certaines régions ne sont pas protégées par cette barrière et peuvent être directement attaquées. Il s’agit notamment de la glande pinéale, qui produit la mélatonine, l’hormone chargée de réguler l’horloge biologique liée au sommeil. Fait intéressant : nous savons également que la mélatonine est un acteur important dans de nombreuses fonctions liées au système immunitaire [4][5]. Il a également été démontré que certaines cellules immunitaires peuvent franchir une barrière hémato-encéphalique dans des conditions telles qu’une blessure, une inflammation, ou une maladie [6]. Et pour aggraver la situation, le manque de sommeil a pour effet de compromettre encore plus la fonction de la barrière hémato-encéphalique et de la rendre plus perméable à des substances invasives [7]. Une fois à l’intérieur du cerveau, les composants du système immunitaire affectent le réseau de communication de celui-ci et activent son réseau immunitaire spécifique.

Activation immunitaire du cerveau

Les neurotransmetteurs sont les messagers chimiques utilisés par le système nerveux pour communiquer. Ils font partie de l’orchestre qui relie les différentes parties du cerveau afin d’engendrer le sommeil et de réguler de nombreuses autres fonctions incluant l’humeur. Deux des neurotransmetteurs impliqués dans le sommeil ont un effet apaisant et aident à produire de la mélatonine ; il s’agit de la sérotonine et du tryptophane. Il a été démontré que les cytokines ainsi que le système immunitaire ont pour effet de réduire les niveaux disponibles de sérotonine et de faire dévier la voie de neurotransmission ordinaire du tryptophane, qui devient alors une substance chimique toxique pour le cerveau [8]. Le glutamate et la dopamine sont deux autres neurotransmetteurs qui produisent un effet d’excitation néfaste lorsque leurs quantités sont excessives. Des cellules immunitaires activées peuvent affecter les niveaux de dopamine, augmenter le glutamate, et créer une anxiété perturbatrice de sommeil [9].

Quand l’inflammation et le stress oxydatif activent le réseau immunitaire spécifique du cerveau, des interactions complexes se mettent en place avec l’organisation du sommeil. Les processus inflammatoires du cerveaux se produisent par le biais de deux types de cellules qui lui sont uniques, les astrocytes et les microgliocytes, responsables de la réparation et du maintien des neurones. Les astrocytes sont également directement impliqués dans le processus du sommeil. Un vaste corpus de recherche a étudié la manière dont ces cellules spéciales se comportent lorsqu’elles sont activées par le manque de sommeil, le stress oxydatif, et des messagers chimiques immunitaires appelés cytokines.

En présence de ces déclencheurs, les cellules cérébrales génèrent un surplus de déchets et des changements se produisent à la surface de ces cellules, ce qui représente un fardeau supplémentaire pour les microgliales et les astrocytes chargés du nettoyage. Le nettoyage du cerveau est accompli par le biais d’un processus appelé phagocytose. Normalement, la phagocytose a pour objectif l’élimination des déchets produits par l’organisme, mais sous l’influence de déclencheurs stimulateurs d’inflammation, les microgliales et les astrocytes se mettent à phagocyter des éléments des cellules nerveuses ; en d’autres termes, cela signifie que le cerveau se met à se manger lui-même. Bien qu’il s’agisse probablement d’une tentative du corps de réparer des cellules nerveuses lésées, cette autodestruction a des conséquences. Dans un cerveau de souris, les microgliales activées par seulement 24 heures de privation de sommeil ont engendré des troubles de l’apprentissage et de la mémoire sur une durée d’au moins sept jours. L’activation des astrocytes par un déficit de sommeil aigu et chronique a également été associée à une détérioration des fonctions cognitives [10][11][12]. À long terme, le manque de sommeil ainsi que l’activation des cellules immunitaires du cerveau peuvent conduire au développement de troubles neurodégénératifs comme la maladie de Parkinson ou d’Alzheimer [13]. Cela est dû à des perturbations dans la production des neurotransmetteurs, à l’activation des cellules immunitaires, et à l’incapacité qui en résulte pour le corps d’éliminer les déchets du cerveau.

L’inflammation cérébrale a également la capacité de s’autoperpétuer. Les cellules immunitaires cérébrales activées produisent leurs propres cytokines stimulatrices d’inflammation et leurs propres particules réactives, aggravant ainsi le cycle d’inflammation cérébrale déclenché par une réponse inflammatoire. Si l’activation de ces cellules — notamment les microgliales — se poursuit, le cerveau pourrait alors devenir plus vulnérable, subir d’autres types de préjudices, avec des cellules nerveuses plus susceptibles d’être détériorées en continu [14].

Résumé

La privation de sommeil semble être associée à un grand nombre de problèmes sous-jacents, et l’insomnie n’est pas une pathologie isolée. Lors d’une consultation avec un médecin naturopathe pour résoudre des problèmes de sommeil, il est donc particulièrement important de traiter les problèmes de santé sous-jacents, de réduire l’inflammation, et d’identifier les sources de stress oxydatif dans la vie quotidienne. La solution pour un meilleur sommeil se trouve peut-être dans le système immunitaire.

Chelsea Azarcon, BSc, ND

Azarcon adopte une approche globale pour ses traitements, notamment en adressant les besoins biochimiques et nutritionnels, en établissant des fondations pour la guérison, et en identifiant les conditions empêchant le corps de fonctionner de manière optimale.

auburnnaturopathicmedicine.com

Références

  1. UWDeptMedicine, « Sleepless in Seattle, » YouTube video, 45:33, 2016-⁠06-⁠03, https://www.youtube.com/watch?v=0-1TX_U8GQM.
  2. Nadjar, A., H.-⁠K.M. Wigren, et M.-⁠E. Tremblay. « Roles of microglial phagocytosis and inflammatory mediators in the pathophysiology of sleep disorders. » Frontiers in Cellular Neuroscience, Vol. 11 (2017): 250.
  3. Perry, L. / The Institute for Functional Medicine. Underlying Triggers of Immune Activation. Présenté à l’Université Bastyr en Californie, 2018-⁠04.
  4. Cajochen, C., K. Kräuchi, et A. Wirz-Justice. « Role of melatonin in the regulation of human circadian rhythms and sleep. » Journal of Neuroendocrinology, Vol. 15, N° 4 (2003): 432–437.
  5. Carrillo-⁠Vico, A., et autres. « Melatonin: Buffering the immune system. » International Journal of Molecular Sciences, Vol. 14, N° 4 (2013): 8638–8683.
  6. Mildner, A., et autres. « Microglia in the adult brain arise from Ly-⁠6ChiCCR2+ monocytes only under defined host conditions. » Nature Neuroscience, Vol. 10, N° 12 (2007): 1544–1553.
  7. He, J., et autres. « Sleep restriction impairs blood-brain barrier function. » Journal of Neuroscience, Vol. 34, N° 44 (2014): 14697–14706.
  8. Miller, A.H., et autres. « Cytokine targets in the brain: Impact on neurotransmitters and neurocircuits. » Depression and Anxiety, Vol. 30, N° 4 (2013): 297–306.
  9. Bush, B. « Neuroinflammation & Lyme disease.” Naturopathic Doctor News & Reviews, Vol. 11, No. 7 (2015): 1–6.
  10. Bellesi, M., et autres. « Sleep loss promotes astrocytic phagocytosis and microglial activation in mouse cerebral cortex. » The Journal of Neuroscience, Vol. 37, N° 21 (2017): 5263–5273.
  11. Zhu, B., et autres. « Sleep disturbance induces neuroinflammation and impairment of learning and memory. » Neurobiology of Disease, Vol. 48, N° 3 (2012): 348–355.
  12. Bellesi, M., et autres. « Effects of sleep and wake on astrocytes: Clues from molecular and ultrastructural studies. » BMC Biology, Vol. 13, N° 1 (2015): 66.
  13. Neustadt, J. / NBI Health. Sleep as a symptom. Présenté à l’Université Bastyr, Californie, 2019-⁠01-⁠10.
  14. Lull, M.E., et M.L. Block. « Microglial activation and chronic neurodegeneration. » Neurotherapeutics, Vol. 7, No. 4 (2010): 354–365.