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Rôle des probiotiques pour le syndrome du côlon irritable

 

Le syndrome du côlon irritable (SCI) est une pathologie fonctionnelle du système digestif, plus précisément des intestins, qui entraîne des symptômes de diarrhée chronique et/ou de constipation, de ballonnements et de douleurs abdominales. Le SCI toucherait environ 10 à 20 % de la population dans les pays occidentaux, et il est plus fréquent chez les femmes plus jeunes ou d’âge moyen. Il n’existe pas de test diagnostic pour le SCI, et le diagnostic est généralement basé sur l’observation des symptômes [2]. Ce diagnostic exclut les problèmes intestinaux plus graves tels que les maladies inflammatoires de l’intestin qui peuvent être visualisées par une coloscopie. Les symptômes du SCI se manifestent de manière cyclique et leur apparition est influencée par des facteurs tels que le stress psychologique, l’alimentation, d’anciennes infections gastro-intestinales et même d’autres schémas circadiens tels que le sommeil ; à ce titre, les taux de SCI sont significativement plus élevés chez les travailleurs aux horaires décalés. En outre, les patients atteints de SCI souffrent aussi d’hyperméabilité intestinale et de dysbiose. Les traitements médicaux pour le SCI sont limités, toutefois la solution des probiotiques a été proposée comme option de traitement sûr et efficace.

 

Perméabilité intestinale

Tout d’abord, les patients atteints du SCI présentent une perméabilité intestinale accrue, communément appelée « leaky gut » en anglais. L’hyperméabilité signifie que les cellules constitutives de la barrière intestinale ne peuvent plus retenir efficacement certains types de particules alimentaires. Lorsque celles-ci entrent dans le tissu intestinal et la circulation sanguine, elles sont responsables du déclenchement des symptômes du SCI, soit par réponse immunitaire, soit par simple irritation et inflammation des tissus. Une étude a montré que jusqu’à 64 % des patients ayant un SCI à dominante diarrhéique, souffraient aussi d’une hyperméabilité intestinale identifiée selon le test urinaire au lactulose/mannitol.

Cette étude a également montré que la supplémentation en probiotiques peut normaliser la perméabilité intestinale chez un grand nombre de ces patients. Après quatre semaines de traitement avec une formule probiotique contenant les souches Streptococcus thermophilus, Lactobacillus bulgaricus, L. acidophilus et Bifidobacterium longum, le pourcentage de patients SCI avec perméabilité intestinale a été réduit de 64 % à 28 %. Fait important, cela était associé à une diminution concomitante des symptômes du SCI.

Une autre étude chez des enfants atteints de SCI ou de douleurs abdominales fonctionnelles a révélé que 59 % des enfants présentaient une perméabilité intestinale accrue. Douze semaines de traitement avec Lactobacillus rhamnosus GG (LGG) ont permis une « diminution significative du nombre de patients présentant des résultats positifs au test de perméabilité intestinale ». Cela n’a pas été observé dans le groupe placebo. Encore une fois, l’amélioration de la perméabilité intestinale s’est accompagnée d’une amélioration des symptômes du SCI : « Le groupe avec LGG, mais pas le placebo, a entraîné une réduction significative de la fréquence (p <0,01) et de la sévérité (p <0,01) des douleurs abdominales ».

 

Microbiote intestinal altéré

En plus des détériorations de la barrière intestinale (qui peuvent être améliorées par les probiotiques), les patients atteints du SCI présentent une altération du microbiote intestinal. Cette « dysbiose » se réfère à un déséquilibre entre les espèces bactériennes et/ou de levure dominantes habitant l’intestin. Cette situation peut être définie comme une altération qualitative, toutefois d’autres perturbations de la flore intestinale peuvent être d’ordre quantitatif, impliquant la prolifération disproportionnée de bactéries normalement présentes en plus faible quantité. Ceci décrit le cas particulier de ce qui peut se produire avec la prolifération bactérienne de l’intestin grêle (SIBO en anglais). Alors qu’il est normal et sain pour le gros intestin d’abriter des milliards de bactéries, l’intestin grêle dans des conditions saines en contient nettement moins. Dans le cas du SIBO, le nombre de bactéries dans l’intestin grêle augmente considérablement, ce qui entraîne des symptômes de SCI tels que des ballonnements, de la douleur et des troubles du transit intestinal. La supplémentation en probiotiques est une stratégie importante pour restaurer et maintenir un profil sain de la flore intestinale.

 

 

Dysbiose

De nombreuses études ont clairement démontré des taux élevés de dysbiose chez les patients atteints de SCI. Une revue de la littérature sortie en 2018 résume ces données en notant que pour le SCI, il existe une « relative abondance d’espèces bactériennes pro-inflammatoires incluant les Enterobacteriaceae, associée à une réduction simultanée des Lactobacillus et Bifidobacterium ». Les espèces Lactobacillus et Bifidobacterium jouent un rôle important dans le maintien de la santé intestinale : d’une part avec la production de bactériocines, des molécules qui tuent des organismes infectieux tels que Salmonella et Listeria, et d’autre part grâce à la promotion d’une réponse immunitaire plus tolérante par interaction avec les cellules dendritiques de l’intestin. D’autres espèces affaiblies par le SCI, telles que les Bifidobacterium et d’autres, ont un rôle dans la production d’acides gras à chaîne courte, éléments majeurs pour le fonctionnement des cellules intestinales (entérocytes).

Un essai randomisé en double aveugle et contrôlé par placebo a examiné l’effet de la supplémentation en probiotiques sur le microbiote et les symptômes du SCI. L’étude a évalué pendant deux mois 150 patients atteints de SCI à constipation dominante, les uns ayant reçu des probiotiques oraux, les autres un placebo. Les trois groupes de traitement ont reçu : 1) L. acidophilus et L. reuteri ; 2) L. plantarum, L. rhamnosus et B. animalis ssp. lactis ; et 3) un placebo. Les deux groupes ayant reçu des probiotiques ont connu une réduction significative de leurs symptômes par rapport au groupe placebo. Ces symptômes comprenaient des ballonnements, des douleurs abdominales, de la constipation, des crampes abdominales et des flatulences. L’analyse du microbiote fécal a indiqué qu’il y avait eu une augmentation significative des espèces de bactéries reçues en supplémentation par les deux groupes de traitement, alors que cela n’a pas été observé dans le groupe placebo.

Un autre essai randomisé en double aveugle et contrôlé par placebo a évalué 49 patients avec SCI. Les patients ont reçu une formule de probiotiques pendant quatre semaines (Bifidobacterium longum, B. bifidum, B. lactis, Lactobacillus acidophilus, L. rhamnosus, et Streptococcus thermophilus), ou un placebo. Au terme de la supplémentation, 68 % des patients recevant des probiotiques ont déclaré qu’ils étaient « sensiblement soulagés » de leurs symptômes du SCI, contre seulement 37 % des patients ayant reçu un placebo. Par ailleurs, l’analyse fécale indiquait que B. lactis, L. rhamnosus et S. thermophilus augmentaient significativement dans le groupe des probiotiques, alors que seul B. lactis avait augmenté dans le groupe placebo après quatre semaines. Ces études suggèrent que la supplémentation avec des probiotiques peut améliorer les symptômes du SCI, notamment la dysbiose.

 

 

Prolifération bactérienne de l’intestin grêle (SIBO)

En ce qui concerne le SIBO, une étude a révélé que jusqu’à 46 % des patients atteints de SCI avaient également des signes de prolifération bactérienne dans le petit intestin. Cela fut diagnostiqué grâce à un test respiratoire à l’hydrogène et au glucose. Des résultats similaires ont été rapportés dans une autre étude, qui a identifié le SIBO chez 45 % des patients avec un SCI. L’évaluation a été menée grâce à un test respiratoire à l’hydrogène et au glucose. Un autre essai plus modeste sur le SIBO a montré que l’administration pendant six semaines d’un supplément de Lactobacillus casei à des patients atteints du SCI, entraînait une amélioration des symptômes du SIBO (diminution du gaz hydrogène lors du test d’haleine, indiquant moins de fermentation). Cela s’est accompagné d’une diminution de 55 % des symptômes du SCI chez les sujets ayant débuté l’étude avec un degré modéré de SIBO. Il existe d’autres études menées avec des patients souffrant de SIBO mais non diagnostiqués avec le SCI, qui démontrent les bénéfices de la supplémentation en probiotiques.

Le syndrome du côlon irritable est une pathologie multifactorielle pour laquelle obtenir le meilleur résultat de soin dépend d’une évaluation précise et de la modification de tous les facteurs contributifs, y compris le stress, l’alimentation, le sommeil et d’autres facteurs. Aussi, les données indiquent que la plupart des patients atteints du SCI présentent diverses altérations des fonctions de la barrière intestinale ainsi que du microbiote. Ces deux perturbations permettent une intervention de soin commune avec une supplémentation en probiotiques. Des études chez l’homme démontrent que la supplémentation en probiotiques améliore les symptômes du SCI. Compte tenu de leur innocuité et des preuves scientifiques, les probiotiques peuvent être une bonne stratégie de traitement pour la prise en charge du SCI.


 

Références

1.     Endo, Y., T. Shoji, and S. Fukudo. “Epidemiology of irritable bowel syndrome.” Annals of Gastroenterology, Vol. 28, No. 2 (2015): 158–159.
2.     Rodiño-Janeiro, B.K., et al. “A review of microbiota and irritable bowel syndrome: Future in therapies.” Advances in Therapy, Vol. 35, No. 3 (2018): 289–310.
3.     Kim, H.I., et al. “Impact of shiftwork on irritable bowel syndrome and functional dyspepsia.” Journal of Korean Medical Science, Vol. 28, No. 3 (2013): 431–437.
4.     Li, L., et al. “Increased small intestinal permeability and RNA expression profiles of mucosa from terminal ileum in patients with diarrhoea-predominant irritable bowel syndrome.” Digestive and Liver Disease, Vol. 48, No. 8 (2016): 880–887.
5.     Zeng, J., et al. “Clinical trial: Effect of active lactic acid bacteria on mucosal barrier function in patients with diarrhoea-predominant irritable bowel syndrome.” Alimentary Pharmacology & Therapeutics, Vol. 28, No. 8 (2008): 994–1002.
6.     Francavilla, R., et al. “A randomized controlled trial of Lactobacillus GG in children with functional abdominal pain.” Pediatrics, Vol. 126, No. 6 (2010): e1445–e1452.
7.     Mezzasalma, V., et al. “A randomized, double-blind, placebo-controlled trial: The efficacy of multispecies probiotic supplementation in alleviating symptoms of irritable bowel syndrome associated with constipation.” BioMed Research International, Vol. 2016 (2016): 4740907.
8.     Yoon, J.S., et al. “Effect of multispecies probiotics on irritable bowel syndrome: A randomized, double-blind, placebo-controlled trial.” Journal of Gastroenterology and Hepatology, Vol. 29, No. 1 (2014): 52–59.
9.     Majewski, M., and R.W. McCallum. “Results of small intestinal bacterial overgrowth testing in irritable bowel syndrome patients: Clinical profiles and effects of antibiotic trial.” Advances in Medical Sciences, Vol. 52 (2007): 139–142.
10.     Esposito, I., et al. “Breath test for differential diagnosis between small intestinal bacterial overgrowth and irritable bowel disease: An observation on non-absorbable antibiotics.” World Journal of Gastroenterology, Vol. 13, No. 45 (2007): 6016–6021.
11.     Barrett, J.S., et al. “Probiotic effects on intestinal fermentation patterns in patients with irritable bowel syndrome.” World Journal of Gastroenterology, Vol. 14, No. 32 (2008): 5020–5024.
12.     Khalighi, A.R., et al. “Evaluating the efficacy of probiotic on treatment in patients with small intestinal bacterial overgrowth (SIBO)—a pilot study.” The Indian Journal of Medical Research Vol. 140, No. 5 (2014): 604–608.
13.     Kwak, D.S., et al. “Short-term probiotic therapy alleviates small intestinal bacterial overgrowth, but does not improve intestinal permeability in chronic liver disease.” European Journal of Gastroenterology & Hepatology, Vol. 26, No. 12 (2014): 1353–1359.

 

 

Heidi Fritz, MA, ND

Practicienne de naturopathie depuis 2007, elle s'intéresse à la
santé des femmes et des enfants, à la douleur chronique, et
plus.